lundi, janvier 09, 2006

C'est au XVIIIème siècle que tout a commencé. Jusque là, l'homme accédait à la connaissance par ses propres moyens, ce qui lui permettait de voir la réalité au-delà de l'apparence.
De nos jours, la connaissance a laissé place à l'information: nous ne percevons la réalité qu'indirectement. Dans nos sociétés occidentales, la télévision est partout, omniprésente. A tel point que notre quotidien en est imprégné.
Fait-elle partie de ces médias qui font l'opinion publique ? La réponse est instinctive. La vraie question à se poser semble plutôt être: comment la télévision nous influence-t-elle ?


Comment les faits sociaux sont-ils construits ?

Nous pouvons tout d'abord dire que les journalistes participent à la construction des faits sociaux. Cette thèse est notamment soutenue par Patrick Champagne. En effet, les journalistes possèdent un pouvoir de fabrication des "malaises" sociaux, d'autant plus grand qu'aujourd'hui la télévision est l'un des objets ménagers les plus courants. Cependant, il s'agit de savoir si le travail des journalistes consiste à enquêter, à effectuer un travail de recherches approfondies ou plus simplement de rapporter les constats déjà effectués. C'est pourquoi, on aboutit quelques fois à des erreurs d'information, comme par exemple dans l'affaire de la jeune femme agressée dans le RER (tatouée de croix gammées) en août 2004, alors que ces derniers n'avaient eu aucun contact avec elle et se sont contentés d'interpréter à leur façon les informations qu'ils avaient recueillies.
Mac Luhan est l'un des représentant les plus connus de la théorie du déterminime technologique: c'est la manière dont les individus réfléchissent et se comportent qui est déterminée par le média dominant dans une société. Le "rôle" de la télévision est d'attirer l'attention de l'opinion sur certains problèmes: elle définit une hiérarchie des problèmes en privilégiant l'émotionnel au rationnel. Autrement dit, elle dramatise les moindres détails des "catastrophes" même de faible importance. A l'inverse, le rationnel consisterait à relativiser les faits par rapport à d'autres de même importance, mais dont on ne parle peu ou pas.


Un exemple de construction de faits sociaux: le tsunami et le séisme au Pakistan

Dans une actualité plus ou moins récente, on peut s'apercevoir que certains événements ont marqué les esprits, avec en tête de cette liste pour 2004/2005, le tsunami en Asie du sud-est. D'autres, au contraire, sont passés pratiquement inaperçus, dont le séisme au Pakistan d'octobre 2005.
Il y a plus d'un an maintenant, le 26 décembre 2004, un tsunami dévastait les côtes de plusieurs pays asiatiques et africains. Cette catastrophe a été abondamment couverte par les médias du monde entier, générant un raz-de-marée de dons historiquement sans précédent. Durant de longs mois, l'actualité se focalisait sur cet événement, reléguant les autres informations à des plans secondaires. Grâce à cette surmédiatisation, la campagne de collecte a reçu, en une semaine, six fois plus d'argent qu'en deux mois pour le Darfour. Cet afflux de dons devenait dangereux dans la mesure où les autres zones en grand besoin tombaient dans l'oubli: seulement quelques associations ont appelé à l'arrêt des dons pour cette catastrophe, limitant ainsi les abus de la population locale et des associations malintentionnées. A l'échelle de la France, les journaux télévisés se sont plus largement intéressés à la Thaïlande, n'étant pourtant que le quatrième pays le plus touché. Toutefois, il est vrai que ce pays est une destination touristique très prisée par les Français et entretient en même temps des relations privilégiées avec la France sur les plans économique et politique.
En opposition à cet engouement soudain, le séisme survenu au Pakistan a reçu une attention bien moindre. D'une magnitude de 7,6 sur l'échelle de Richter, faisant plus de 80 000 morts, des dizaines de milliers de blessés et près de 200 000 sans-abris, le séisme a très peu marqué l'actualité, alors que son ampleur était équivalente à celle du tsunami. L'affluence des dons ne s'est pas renouvelée: en effet, ils n'ont couvert que 60% des besions recensés. Cela est peut-être dû à un essoufflement de la générosité suite au tsunami. En outre, la catastrophe suppose des conséquences ultérieures avec en premier plan l'arrivée de l'hiver et un nombre de sans-abris considérable.
A travers ces deux exemples et leur disparité de médiatisation, il est facile de comprendre que la télévision ne nous dit pas comment penser, puisque nous sommes souvent en présence de différents points de vue, mais plutôt à quoi penser, en accordant plus d'importance à tel ou tel sujet.


Comment l'information influence le public ?

Quoi qu'on en dise, la télévision a un réel impact sur notre personne. Cet impact apparaît sur des individus de plus en plus jeunes, représentant une cible marketing. Cela devient dangereux puisque la population manifeste une dépendance grandissante à ce média (cf tableau 1).

Les enfants sont les plus exposés aux dangers de la télévision. Elle véhicule souvent des stéréotypes totalement fictifs, notamment à travers de nombreuses séries et téléfilms dans lesquels la réalité est usurpée. L'enfant va chercher à s'identifier à ces personnages et ainsi va se forger une opinion fondée sur des valeurs superficielles. Il ne distinguera plus le réel du fictif, accentué par des contenus violents et sexuels de ces programmes. C'est à partir de l'âge de huit ans que l'enfant commence à acquérir des opinions personnelles et où l'apprentissage scolaire s'intensifie. La télévision peut nuire à l'apprentissage et à la performance scolaire si elle empiète sur les activités essentielles au développement physique et mental de l'enfant.
Même si devenus adultes les individus sont plus ou moins conscient de l'influence de la télévision, des différences sont perceptibles selon le niveau d'instruction. En nous disant à quoi penser, elle nous persuade de la pertinence des informations. C'est en partie à cause de cela que la connaissance a été progressivement remplacée par l'information et que les individus accordent plus d'importance à l'émotionnel qu'au rationnel. Nous sommes convaincu que la télévision reflète la réalité, nous apporte une certaine diversité et qu'elle est un vecteur de lien social (cf tableau p23) .


Comment la mise en forme nous influence-t-elle ?

Ce sentiment n'est sûrement qu'un prétexte pour dissimuler la dépendance à laquelle nous sommes en proie .
Les innovations technologiques constantes favorisent cette "accoutumance". De nos jours, les individus sont plus stressés et toujours en mouvement. Il est donc normal que ce qu'ils regardent soit également en perpétuel mouvement. L'oeil, habitué à ce défilé d'images, a beaucoup de mal à accrocher à des activités d'apparence plus calme: la presse est de plus en plus délaissée. D'après les chercheurs, les télespectateurs ressentent un effet relaxant en allumant la télévision, mais qui disparaît aussitôt le petit écran éteint: c'est le mécanisme de la dépendance.
L'opinion publique se trouve influencée à la fois par le contenu des programmes télévisés mais aussi par son contenant, la télévision elle-même. Toutefois, cette influence reste limitée dans la mesure où le télespectateur est libre de choisir de regarder l'information ou pas. D'après Arlette Chabot, "les médias n'influencent pas les individus": ils filtrent les informations et ne retiennent que ce qui les intéresse ou les arrange.


Le DEFI de la dizaine sans télévision ni jeux vidéos
Certains restent sceptiques quant à la place et aux effets considérables de la télévision dans la vie des adolescents. Par conséquent, l'organisme EDUPAX a organisé le DEFI de la dizaine sans télévision ni jeux vidéos. En avril 2004, une première école secondaire proposait une grève de télévision à ses 950 élèves pendant dix jours. Les petits Français la regardent en moyenne entre quinze et vingt-cinq heures par semaine. Les parents doutaient de la réaction de leurs enfants quant à cette proposition: les adolescents allaient-ils considérer ce DEFI comme une entrave à leur liberté ou une remise en question de leur dépendance à la société de consommation ?
Les adolescents ont plutôt bien accueilli l'expérience: quatre sur cinq ont jugé le DEFI très ou assez utile. Le résultat est assez probant. Le temps accaparé par les divertissements électroniques prive les jeunes du temps qu'ils pourraient utiliser autrement pour développer diverses habiletés sociales. La privation volontaire a produit un impact sur la qualité de vie des élèves.
Le DEFI a ainsi permis d'augmenter ou d'améliorer:
- la pratique d'activités physiques pour 50% des jeunes
- le temps passé avec des amis pour 45%
- le temps passé avec les parents pour un quart d'entre eux
- l'aide fournie à la maison pour près d'un quart également
Il faut donc conclure à une amélioration sensible des rapports sociaux et à un resserrement des liens familiaux. En outre, la violence à l'école a diminué de 30% et de 40% à la maison. Le sens critique s'est aiguisé pour 65% des adolescents, surtout chez les filles. Enfin le rayonnement de l'école a également augmenté, n'étant plus "concurrencé" par la télévision.